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    Au mois de décembre dernier, j'ai rempli mon troisième et dernier carnet de textes écrits à partir de la contrainte appelée "Trois mots".

    Ce carnet, il m'a fallu près d'un an pour le terminer. Il m'avait fallu seulement un mois et demi pour achever le premier et moins de trois mois pour finir le deuxième. Je me souviens des premières semaines d'écriture. Je m'étais fixé pour règle d'écrire un texte par jour. J'espérais poursuivre ainsi tout le temps qui me resterait à vivre. J'ai tenu environ trois mois. Ces derniers temps, je n'écrivais plus qu'environ une fois toutes les deux semaines.

    Vous lisez des extraits de ces trois carnets depuis la création de ce blog. J'ai écrit en tout 140 textes dont quarante-neuf publiés dans Les histoires joueuses.

    Cela fait bientôt deux mois que j'ai coupé. A la place, je me suis mis à relire. Avec passion. J'écrirai bientôt à ce sujet : je crois pouvoir dire que j'ai retrouvé le temps de lire perdu.

    Cette semaine, je vais recommencer à noircir mes carnets, parce que j'en ai envie, parce que je veux revivre la joie de relire des pages d'écriture qui me correspondent

    Je vais aussi chercher un éditeur pour ce qui existe déjà, aller à la rencontre de personnes que je crois capables de m'aider, faire mes premiers pas, en quelque sorte, de bébécrivain.

    Où même simplement voir du monde, des têtes connues ou inconnues. Parler, écouter, sourire et discourir. Me souvenir.

     

     


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    Depuis le 13 septembre dernier, je travaille sur un nouveau poste, dans un nouvel établissement : je suis le responsable de la section jeunesse de la bibliothèque André Malraux, à Paris, dans le 6ème arrondissement.

    Je suis heureux parce que j'ai, pour la première fois, des responsabilités à la hauteur de mon diplôme, un DUT  obtenu lorsque j'étais emploi-jeune, il y a 15 ans, en 2001.

    Je me souviens : je travaillais dans une école primaire du 18ème arrondissement, dans le quartier de la Goutte d'Or. L'université René Descartes nous avait invité à découvrir son dispositif de formation continue.  Il y avait trois filières : l'informatique, l'animation et donc les métiers du livre. J'avais choisi les métiers du livre, sans être tout à fait sûr de mon choix, mais je n'étais sûr de rien.

    J'ai quitté mon poste en école primaire en 2002 hanté par la vision de centaines d'élèves en échec scolaire et persuadé de mon inutilité. Je suis devenu catalogueur un peu par hasard au service technique des bibliothèques de la Ville de Paris.  J'y ai passé près de trois ans dans un environnement accueillant et protégé, comme à l'abri, déconnecté volontaire de la réalité. 

    En 2005, j'ai passé un concours interne d'adjoint administratif pour encourager une collègue dans ses révisions : c'est moi qui ai réussi le concours et c'est comme ça que je suis devenu secrétaire dans un service de la Direction du Patrimoine et de l'Architecture. J'avais l'idée de revenir un jour en bibliothèque. J'ai passé les concours dans ce but, je les ai tous ratés.

    Six ans plus tard, en 2011, j'ai bénéficié d'un détachement pour travailler à la Médiathèque Marguerite Yourcenar. C'est là que ma carrière a réellement débuté. J'ai commencé comme magasinier, puis j'ai réussi un concours interne et je suis devenu responsable de l'action culturelle à la bibliothèque François Villon.

    Là-bas, je n'ai pas eu d'équipe à diriger. Au début, cela m'a rassuré. Ensuite, j'ai fini par le regretter.

    Aujourd'hui, j'encadre sept personnes. C'est totalement nouveau pour moi. Je n'ai jamais eu autant de choses à faire et je trouve ça très stimulant.

    J'ai évité ce mois-ci de peu un arrêt pour épuisement professionnel. J'ai eu la chance de suivre une formation qui m'a permis de comprendre ce vers quoi je me dirigeais si je ne changeais pas ma relation au temps et si je ne me recentrais pas sur moi-même. J'ai retrouvé le temps de lire et d'écrire. Parfois, je me dis que c'est maintenant que ma vie commence. Je viens d'avoir quarante-cinq ans.

    Il y a quelques jours, j'ai lu un très court texte de François Le Lionnais intitulé La peinture à Dora, qui m'a conforté dans l'idée que la mémoire et la culture, avant d'être synonymes de pédanterie, étaient un accès privilégié au bonheur, au partage et à la jouissance.

    C'est pourquoi je vous souhaite, pour finir, de joyeuses lettres.

     

     


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  • J'ai écrit ce texte il y a un peu plus d'un an. Le texte est venu en cherchant le sens du mot raglan, qui désigne un manteau à pèlerine mais aussi un modèle d'imperméable.

     

    Carnet n°1, fin septembre

    Le vingt-deux novembre prochain, mon père sera mort il y a vingt-deux ans, et j’aurai vécu, à parts égales, toute une vie avec et toute une vie sans lui.

     

    Dans mes plus vieux souvenirs, je le vois sur le seuil de notre appartement, vêtu de son impeccable pardessus raglan et embrassant ma mère venue lui ouvrir. Ma sœur et moi, soudain très remuants pour nous disputer la primeur de ses joues froides, accourions jusqu’à lui pour notre bise de bienvenue du soir. 

     

    Il est parti seul un lundi matin, à l’hôpital, des suites d’un anévrisme. On nous a appelé un peu avant six heures pour nous annoncer la nouvelle. Je n’ai pas su comment réagir jusqu’à notre entrée dans sa chambre, où nous nous sommes, ma sœur, ma mère et moi, tous les trois effondrés.

     

    Les douleurs avaient commencé dans la nuit de samedi à dimanche. Il s’obstinait à ne pas être conduit à l’hôpital, mais le matin venu, il est devenu évident qu’il fallait appeler un médecin à domicile, lequel, une fois sur place et au terme d’une brève auscultation, a très vite compris la gravité de la situation et appelé le dix-huit. Mon père a du être évacué de chez lui par le balcon, au moyen d’une grue. Quand il est arrivé aux urgences, son état s'est avéré si grave que  c’était déjà miraculeux qu’il fût encore en vie. Les chirurgiens ont tout juste eu le temps de l’opérer, mais il était trop tard.

     

    Je l'ai embrassé pour la dernière fois le samedi soir, avant de partir me coucher. Je ne l’ai plus vu ensuite. Tout le temps que durèrent ses souffrances, on m’a laissé dormir.

     

    Lorsque je me suis levé, ma mère et mon père étaient déjà partis. Ma sœur et moi sommes arrivés à l'hôpital en fin de matinée. Nous y avons trouvé ma mère en pleurs, nous expliquant qu’il était déjà sur le billard et que les chances qu’il en sorte vivant étaient minimes.

     

    Mon père est parti comme ça.

     

    J’étais un fils très distant mais, par habitude, je lui faisais toujours la bise. Ma mère m’a dit qu’il y tenait beaucoup.

     

     


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