• * je suis français

     

    Je suis revenu de vacances de Turquie.

    Plusieurs personnes ont cherché à avoir de nos nouvelles et en ont reçu d'excellentes puisque nous étions sur les bords de la Mer Egée et non à Istanbul.

    Malheureusement, nous ne savons pas si nous pourrons retourner là-bas sereinement l'an prochain.

    Et encore, je ne suis ni d'origine kurde, ni alevi, ni militaire, ni activiste, ni diplômé en droit, ni universitaire, ni journaliste. Je n'ai pas de passeport turc, je sais à peine parler la langue. Je suis totalement inapte à soutenir une conversation plus de deux minutes.

    Et donc je suis triste, pour ma mère, pour ma tante et pour mon oncle, pour mes cousins et pour mes cousines, pour les démocrates de ce pays, pour les quelques personnes que je connais là-bas.

    Mais si je pouvais parler le turc, alors je serais vraiment des leurs.

     


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  •  Demain samedi, je serai en vacances pour deux semaines, loin des écrans. Je vous souhaite un bel été.

     

    Carnet n°3, mi-juin

    L’été de mes dix ans

     

    L'été de mes dix ans, le dernier jour d'école, juste avant la sortie, je me suis bagarré avec un camarade de classe que je détestais. Je l'ai frappé sans raison. Je suis sûr qu'il ne m'avait rien fait. 

     

                L'été de mes dix ans, je collectionnais les vignettes autocollantes de l'album officiel Panini de la Coupe du Monde de Football organisée par l'Espagne. Je n'ai pas pu terminer l'album, alors j'ai collé mes autocollants en double.

     

    L'été de mes dix ans, je suis allé en Turquie avec ma mère et ma sœur dans le pays où ma mère est née et a grandi. Ma mère a pleuré lorsque nous avons atterri sur la piste de l'aéroport d'Istanbul.           

     

    L'été de mes dix ans, mon père est resté travailler en France. Nous avons reçu plusieurs lettres, comme à chaque fois que nous partions. Elles pouvaient mettre jusqu'à deux semaines pour nous parvenir.

     

    L'été de mes dix ans, nous sommes restés quelques jours à Istanbul chez ma grand-mère, puis nous sommes partis en bateau sur une île de la mer Marmara.           

     

    L'été de mes dix ans, nous avons logé trois semaines à l'Özcan Motel, une pension où nous avions une chambre avec terrasse au troisième étage. Nous rangions nos provisions dans un grand réfrigérateur collectif au rez-de-chaussée.

     

                L'été de mes dix ans, nous sommes allés nous baigner chaque jour. Parfois, ma mère nous donnait de quoi acheter quelque chose aux marchands ambulants de dondurma, de mısır, de tabak et de lokma qui passaient près de nous.

     

                L'été de mes dix ans, j'ai joué tous les après-midis au football sur la plage et les terrains de jeu de l'île. J'étais le gardien de but attitré de mon équipe. J'avais de bons réflexes et je n'avais pas peur de plonger. Mes copains de foot m'appelaient Ettori. C'était un compliment et j'en étais fier.

     

                L'été de mes dix ans, je regardais les matchs de la coupe du monde sur la petite télévision noir et blanc installée dans la salle à manger de l'Özcan Motel. 

     

                J'ai assisté au triomphe de l'équipe de France contre L'Irlande du Nord 4 buts à 1. Le spectacle était magnifique. La France n'avait jamais aussi bien joué.

     

                L'été de mes dix ans, j'ai assisté un après-midi, incrédule, au succès de l'Italie sur le Brésil que je croyais invincible. Le Brésil était soudain éliminé alors que le titre lui semblait promis.

     

                L'été de mes dix ans, j'ai regardé la demi-finale de la coupe du Monde France-Allemagne sur la petite télévision noir et blanc dans la salle à manger de l'Özcan Motel. 

     

                J'ai refusé de croire que le geste d'Harald Schumacher sur Patrick Battiston était voulu. Aujourd'hui encore, malgré l'évidence de l'agression et la sortie de Battiston inconscient sur une civière, je plaide les circonstances atténuantes.

     

                L'été de mes dix ans, j'ai regardé la France perdre contre l'Allemagne aux penaltys après avoir mené 2-1 puis 3-1 en prolongations. Je ne suis pas sûr d'avoir versé de larmes. En revanche, je suis certain  d'avoir fait un bras d'honneur à la télé avant de monter me coucher. 

     

                L'été de mes dix ans, je suis tombé malade le soir de la finale. Ma mère ne m'a pas laissé regarder le match et j’ai dû rester dans la chambre à l’heure du début de la rencontre.

     

                Mais je ne me suis pas endormi. Depuis mon lit, par les fenêtres, j'entendais les clameurs sur l'île à chaque nouveau but italien.

     

                L'été de mes dix ans a continué.

     

                Et puis nous sommes rentrés. D'abord en bateau à Istanbul, puis en avion à l'aéroport de Roissy ou d'Orly. Nous avons passé la douane, nous avons récupéré nos bagages. 

     

                Mon père nous attendait.

     

     

     

     


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    Carnet n°1, mi-septembre

    Il pouvait bien pleurer des rivières ou chouiner des étoiles filantes, épuiser toutes les ressources de sa loquacité véhémente, la porte de l'appartement restait bloquée et son occupante demeurait coite, pleine d'un ressentiment et d'un mépris rien moins qu'à la mesure des dimensions du cosmos.

     

    *

     

    Carnet n°2, début novembre

    Il apprenait seul à jouer de son ukulélé en consultant des tutoriels, mais la lenteur de ses progrès l'ulcérait et il ne se passait plus un jour sans que la leçon prématurément ne se termine par un chapelet de jurons et d'invectives soigneusement choisies parmi les moins usitées et les plus fleuries.

     

    *

     

    Carnet n°2, début novembre

    Il travaillait à quintessencier tout l'amour dont il se sentait capable dans l'écriture d'un seul quatrain. Il espérait un jour être assez qualifié pour y parvenir.

     


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