• A votre sentier

     

    Carnet n° 3, début juillet

     

    Mon père était un raconteur hors-pair. Il n'était pas non plus du genre à reculer lorsque l'occasion se présentait de se payer gentiment la tête de quelqu'un. Voici comment un jour il s'offrit celle de son supérieur dont il connaissait l'avarice.

    L'histoire se passe en Turquie, où mon père a vécu et travaillé quinze ans. C'est mon histoire préférée.

    Ce jour-là, mon père s'était avéré un collaborateur particulièrement précieux et, pour montrer sa gratitude, son chef lui avait offert exceptionnellement de prendre avec lui un verre après le travail.

    Conscient du caractère extravagant de l'invitation, mon père décida de prendre les choses en mains et accepta à la condition qu'ils aillent tous les deux dans un café qu'il connaissait bien. Sitôt la proposition adoptée, mon père fila jusqu'au dit café et avisa un des garçons de service pour le prévenir de la présence de son patron avec lui quelques heures plus tard.

    Je vous ferai signe, lui expliqua-t-il sur le ton de la confidence, et vous viendrez prendre notre commande. Lorsque vous me demanderez ce que je compte boire, vous m'entendrez vous dire distinctement « comme d'habitude ». Voici alors ce que vous apporterez...

    A l'heure convenue, mon père et son patron pénètrent à l'intérieur du café et le garçon s'approche de la table où ils viennent de prendre place.

    -  Vous êtes sûr de toujours vouloir m'inviter ? Demande poliment mon père.

    - Absolument, monsieur Colombani, j'y tiens énormément, vous m'avez tiré d'un sacré pas aujourd'hui et je vais vous payer ce verre. Garçon, un panaché s'il vous plaît !

    - Et pour monsieur, ce sera ?

    - Et bien, pour moi, ce sera comme d'habitude !

    - Très bien monsieur

    Le garçon s'éloigne.

    - Vous avez pris quoi, monsieur Colombani ?

    - Oh, j'ai pris comme d'habitude.

    - Ah ! Et qu'est-ce que c'est ?

    - Vous allez voir, c'est très bon.

    Quelques minutes passent, le garçon apparaît avec la commande. Il commence par servir le panaché et puis, se tournant vers mon père et posant devant lui sa consommation.

    - Et pour monsieur voici... comme d'habitude.

    Le garçon de nouveau s'éloigne. Quelques secondes s'écoulent. Mon père a pris son air le plus naturel. Son chef, assis en face de lui, le dévisage les yeux ronds.

    Et puis...

    - Monsieur Colombani... vous buvez du champagne ?!!!

    - Oui, monsieur... comme d'habitude.

     

    « Fransızım*Mon premier poème »

  • Commentaires

    1
    tuniquebleue
    Mercredi 31 Août 2016 à 22:12
    J'aime cette histoire, votre père a beaucoup d'humour!
      • Jeudi 1er Septembre 2016 à 11:59

        Merci, ça fait très plaisir !

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :