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    Carnet n°1, début octobre

    L'homme consultait sa montre avec pessimisme. A l'allure poussive où son véhicule avançait, il accueillerait l'élue de son cœur et de ses maigres économies tout juste au moment de l'arrivée du train. Et encore, ce serait au terme d'une course effrénée depuis la voiture jusqu'au quai sans même la certitude d'avoir eu le temps d'apaiser la crise d'asthme qui s'ensuivrait. Pour ne plus y penser, il sortit de son boîtier un objet de consommation laser popularisé au début des années quatre-vingts et l'introduisit dans l'appareil de lecture qui lui était exclusivement dédié et, pour cette raison, était devenu tout aussi obsolète.

     

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    Carnet n°2, début novembre

    Sous l'effet des pressions et palpations du massage ayurvédique, le corps s'arquait délicatement des orteils jusqu'aux sourcils tandis que l'esprit voyageait sereinement vers des contrées spirituelles inconnues. Enfin détendu, l'homme pouvait commencer à oublier de son morne quotidien les plus cruelles avanies.

     

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    Carnet n°2, fin novembre

    Je l'ai vu forcir et s'éteindre, perdre le feu qui était en lui si féru de paradoxes et de choses impossibles.

     


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    Carnet n°2, fin octobre

    Terrassé d'ennui par la conversation de son voisin, il prétexta une envie pressante et se rendit précipitamment aux toilettes pour savourer un répit de quelques minutes. A l'intérieur, le miroir fixé sur la porte lui donna l'occasion de s'admirer quelques instants sous son meilleur profil tandis qu'une gigantesque carte touristique du pays basque lui rappelait comme il n'avait jamais éprouvé le moindre désir d'y retourner. Quelque chose cependant n'allait pas. Depuis plusieurs jours. Une fatigue qu'il ne savait pas expliquer. Peut-être les prémices d'une maladie ? Il fixa l'image que lui renvoyait la glace, mima un triste bonjour, puis ferma alternativement l'œil droit et le gauche et se bornoya ainsi encore quelques instants. En apparence, tout allait bien. Pourtant il sentait venir à présent un renversement intérieur encore lointain il y a quelques secondes mais désormais plus proche, de plus en plus proche...

     

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    Carnet n°1, début septembre

    Au plus fort de la douleur, les visions trébuchantes se succédaient et dansaient dans son esprit comme des fractures. Le visage couvert de sueur et d'angoisse, il espérait un jour, par un long travail, transfigurer ses peurs.

     

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    Carnet n°2, fin octobre

    C'est un charivari de voix réprobatrices. Elles sont en lui. Ses yeux clignotent, mais pour le moment il reste calme.

     

     


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    Je ne suis pas de ceux qui ont enfilé les gants (mon sport de prédilection est le basket), mais j'éprouve un profond respect pour la boxe et tous ses pratiquants qui se livrent corps et âme* sur le ring.

    Je suis donc ce qu'on pourrait appeler un amateur de boxe au sens, je l'espère, le moins sordide du terme et à ce titre j'ai été plus particulièrement un fervent admirateur  de Mohamed Ali.

    Aujourd'hui, à la nouvelle de sa mort, depuis un moment anticipée tant il était apparu affaibli et fragile ces dernières années, je me laisse croire à la nécessité du partage de ces quelques lignes en hommage à cet homme dont la vie a embrassé, avec une chaleur et une générosité dont il existe peu d'équivalents, toutes les expériences humaines qu'il est possible d'imaginer.

    Bien sûr, plusieurs livres et documentaires existent pour en témoigner et ma première véritable rencontre avec Ali remonte ainsi à la sortie cinéma du fameux documentaire de Leon Gast When we were kings relatant la préparation de son combat contre George Foreman. On y voit un champion irrésistible de courage, de malice et de dérision qu'il semble impossible de ne pas aimer et supporter.

    Des années plus tard, j'aurai l'occasion de voir Au-delà du ring,  un autre documentaire beaucoup moins connu. Le film, réalisé par John Dove, retrace l'âpre rivalité entre Mohamed Ali et Joe Frazier. A rebours de l'impression laissée par When we were kings, on y voit un Ali injustement cruel et blessant avec son adversaire dans les discours d'avant et d'après combat.

    Si le premier des trois affrontements entre les deux champions, remporté brillamment par Joe Frazier, fut décrit comme le match du siècle, l'ultime bataille qu'Ali et Frazier se livreront à Manille en 1975 constitue un sommet pugilistique dont le scénario ne sera jamais égalé. C'est également, de l'avis général, le dernier grand combat de Mohamed Ali.

    La victoire contre Frazier sera suivie d'un douloureux et inexorable déclin, dont le point d'orgue sera le tragique face à face avec Larry Holmes, autre grand boxeur et ancien sparring-partner d'Ali qui restera inconsolable du martyr infligé de ses poings à son ancienne idole, vaincue par KO technique à l'appel de la onzième reprise.

    Je m'arrête là alors que j'en ai écris si peu, car il y a tant à se souvenir et à partager à propos d'Ali, même lorsqu'on ne l'a, comme moi, quasiment pas connu de son vivant et qu'on n'a vu aucun combat du temps de sa carrière.

    Il y a également tant à partager au sujet de tous ces boxeurs qui l'ont affronté : Foreman, Frazier, Holmes, déjà cités, mais aussi Ron Lyle, Jerry Quarry, Ernie Shavers, Ken Norton, Georges Chuvalo... autant de grands champions appartenant à cette époque qui est considérée comme l'âge d'or de la boxe chez les poids lourds, mais aussi autant de vies et de personnalités hors du commun.

    Je m'arrête là alors que j'en ai écrit si peu, parce que je risquerais de me perdre à essayer de décrire une personne à la fois si complexe et si évidente. Je ne peux qu'encourager les uns et les autres à chercher à comprendre qui elle fut.

    Il existe, pour celles et ceux désireux de mieux connaître Mohamed Ali de nombreux films et livres de qualité, parmi lesquels un troisième documentaire de William Klein intitulé Muhamad Ali, The greatest.

    Néanmoins, je ne saurais trop recommander, parmi toutes ces ressources, la lecture du livre de Thomas Hauser Mohamed Ali, sa vie et ses combats, paru aux éditions Premium**, et qu'on peut décrire sans risque, pour la rigueur et l'empathie dont il fait preuve sans faillir de la première à la dernière ligne, comme un des sommets du journalisme sportif.

    A chacun désormais de plonger ou se replonger dans la vie de cet homme pour le comprendre, l'aimer et, pourquoi pas, le réinventer.

     

    PS : j'ai ajouté la vidéo de Billy Cristal imitant à la perfection Mohamed Ali en présence du boxeur. C'était en 1979 à l'occasion d'une soirée spéciale donnée en l'honneur d'Ali, jeune retraité du ring.

    Ali allait par la suite malheureusement revenir sur sa décision et livrer deux combats supplémentaires pour deux défaites, dont celle, terrible, contre Larry Holmes.

    L'acteur et le boxeur étaient devenus amis. Mohamed Ali appelait même Billy Cristal "my little brother". Quand vous verrez la vidéo, vous comprendrez pourquoi.

    PPS : Dans cette vidéo, Crystal imite également le commentateur sportif Howard Cosell. Ali et Cosell s'estimaient sincèrement et formaient, pour la télévision, un duo comique inimitable.

    Ancien avocat, Howard Cosell avait été un des premiers à défendre Ali lorsque celui-ci avait décidé de renoncer à son nom d'esclave, Cassius Clay. C'était un débatteur redoutable dont l'élocution saccadée, à l'image de celle d'Ali, était reconnaissable entre toutes.

     

     

    *Corps et âme est le titre d'un ouvrage passionnant écrit par le sociologue Loïc Wacquant. Publié aux éditions Agone, ce livre relate une enquête sociologique conduite dans un club de boxe de Chicago pour laquelle l'auteur décide de mettre les gants et d'apprendre les bases de la pratique du noble art. Il finit par gagner le respect et l'amitié de l'entraîneur et de ses partenaires de sueur et de souffrance.

    **ce livre est actuellement épuisé. En attendant une probable réédition, il est disponible à l'emprunt dans quelques bibliothèques de la Ville de Paris, mais plus dans la nôtre depuis qu'un lecteur indélicat est venu le chercher en septembre dernier.


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