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Carnet n°2, début décembre
Cet après-midi, un homme a été kidnappé dans la rue sous mes yeux.
Nous rentrions d'une sortie scolaire. L'homme se trouvait à quelques mètres devant nous et nos élèves lorsqu'il a été saisi et conduit de force par trois autres types dans une voiture qui a démarré aussitôt. Il n'y a pas eu de cris ou de hurlements, personne n'a eu le temps d'intervenir ni même d'avoir peur.
Quant à moi, j'étais la personne la plus proche de l'enlèvement. Pourtant je n’ai rien vu. A l'instant de la succession des faits, j'aurais bien pu être karatéka ou violoniste, cela aurait été kif-kif tant mon esprit était ailleurs.
L’homme a disparu sans que je le réalise, parce que moi-même j'étais absent.
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Carnet n°1, mi-septembre
A défaut de m'endurcir, les épreuves m'auront du moins solidifiées puisque me voici réduit à l'état de colosse de marbre offert à la curiosité des visiteurs du palais. Nous bordons le canal, mes compagnons et moi, et discutons de notre commune inaptitude à combattre et nous rebeller. Nous nous découvrons même ce goût partagé pour les heures les plus solitaires qui rend si remarquable la similitude de nos destinées et si naturelle notre immobilité.
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Carnet n°2, début octobre
Dans la pénombre de la chambre close, deux yeux fatigués scrutent deux silhouettes fureteuses sur la place vide d'une ville fantôme.
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Carnet n°2, début octobre
Il s'assit au comptoir et commanda un café serré. Tandis qu'il patientait, l'idée lui vint que peut-être une personne seule assise dans l'ombre le radiographiait. Il esquissa un sourire ironique et pivota sur son siège pour observer la salle. Comme il l'avait pensé, à cette heure matinale, il ne voyait que des travailleurs plus ou moins éveillés comme lui et fonctionnant sur batterie rechargeable à la caféine.
Certes, le lieu n'invitait pas au romantisme le plus échevelé et, dans le fond, ce n'était pas pour lui déplaire.
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Carnet n°1, fin septembre
La voiture ralentit et s'engagea sur la voie d'accès à l'aire d'autoroute. Son conducteur, rompu de fatigue, s'octroyait enfin une pause. A côté de lui, la passagère dormait depuis un moment, la bouche entrouverte, la tête penchée sur le côté, en appui sur un petit coussin qu'il jugeait inconfortable. Il esquissa un geste attendri, puis étendit le bras pour se saisir du sac de voyage qui contenait le thermos et se servit une tasse de café encore chaud. Enfin, il bascula le siège légèrement vers l'arrière, ajusta le col de sa veste et ferma les yeux sans plus se préoccuper du reste.
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Carnet n°2, fin novembre
Ce soir, je me pocharde et m'imagine en pictogramme pansu indiquant la route pour retrouver la joie de vivre.
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1995-2015
A l'intérieur d'un immeuble
Les rayons blancs du soleil
Illuminent l'escalier
Un enfant monte les marches
Aussi vite que possible
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A l'intérieur des toilettes
Quatre murs couleur orange
Sont faiblement éclairés
Comme au début d'un voyage
La nuit sur une autoroute
*
A l'intérieur d'une école
Les fenêtres de la classe
Une à une se referment
Elles donnent sur la cour
Sous l'œil de la sombre ville
*
A l'intérieur d'un vestiaire
Quelqu'un assis sur un banc
Rêve de tout un été
Passé à jouer sur un
Terrain au bord de la mer
*
A l'intérieur d'une chambre
Les battements de son cœur
Font le bruit d'une serrure
Il se regarde, chaque soir,
Comme on éteint une lampe
*
A l'intérieur d'un tramway
Un homme est occupé
A travestir la vérité
Il parle sans s'émouvoir
Simplement, l'esprit tranquille
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